Développons un peu...
Au-delà des soins et de l'hébergement, la vie en EHPAD doit préserver les petits plaisirs du quotidien qui font de chacun un individu à part entière.
Parmi ces plaisirs simples mais essentiels figure la possibilité de choisir soi-même ses vêtements, ses produits de toilette ou ses petites douceurs.
Les sorties shopping offrent à vos résidents bien plus qu'une simple occasion d'acquisition : elles sont un moment privilégié où leur capacité de décision, leur goût personnel et leur identité sociale sont pleinement reconnus et valorisés.
Dans un contexte institutionnel où les choix peuvent parfois se raréfier, ces sorties réaffirment le droit fondamental de vos résidents à exercer leur libre arbitre sur les petites et grandes choses qui composent leur quotidien.
Pourquoi faire du shopping renforce l'autonomie et la joie de vivre
Le pouvoir fondamental du choix personnel
L'entrée en institution s'accompagne souvent d'une restriction progressive du champ des décisions quotidiennes.
Les horaires, les menus, les activités s'organisent nécessairement dans un cadre collectif qui peut limiter l'expression des préférences individuelles.
Dans ce contexte, l'acte d'achat, même modeste, est un espace précieux d'autodétermination.
Choisir soi-même sa chemise, son parfum ou ses biscuits préférés permet de réaffirmer son identité et ses goûts personnels.
Cette capacité à exercer des choix, aussi simples soient-ils, joue un rôle crucial dans le maintien de l'estime de soi.
Des études en psychologie gérontologique ont démontré que la perception de contrôle sur son environnement est un facteur déterminant de bien-être psychologique chez les personnes âgées.
À l'inverse, le sentiment de ne plus maîtriser aucun aspect de sa vie peut conduire à un état de ''résignation acquise'', particulièrement délétère pour la santé mentale.
Au-delà de l'objet acquis, c'est donc le processus même de sélection et de décision qui revêt une importance fondamentale.
Observer, comparer, hésiter, choisir : cette séquence d'actions sollicite des capacités cognitives variées et réaffirme la position du résident comme sujet actif et non simple bénéficiaire passif de soins.
Pour beaucoup, ces moments sont une rare occasion d'exercer pleinement leur autonomie décisionnelle.
Maintenir le lien avec l'évolution du monde
Les espaces commerciaux sont des miroirs fidèles de l'évolution de notre société.
Nouvelles tendances, innovations technologiques, évolution des modes de consommation : une visite en centre commercial ou dans une boutique offre un condensé des transformations sociales en cours.
Pour vos résidents, ces sorties shopping sont donc une occasion précieuse de rester connectés aux évolutions du monde contemporain.
Cette immersion dans la réalité commerciale actuelle stimule la curiosité et nourrit les conversations.
Découvrir un nouveau produit, s'étonner d'un changement de packaging, commenter l'évolution des prix : autant de sujets qui ancrent les résidents dans le présent et alimentent des échanges riches avec le personnel, les autres résidents ou leurs proches.
Cette actualisation des connaissances sur le monde marchand contribue à lutter contre le sentiment d'obsolescence qui peut affecter certaines personnes âgées.
Pour celles et ceux qui ont connu les transformations majeures de la société de consommation – des petits commerces aux hypermarchés, puis à l'ère numérique – ces sorties offrent également des points de repère permettant de situer leur propre parcours dans l'histoire collective.
Ces ponts entre passé et présent nourrissent la continuité identitaire et permettent de donner sens à sa propre trajectoire de vie dans un monde en perpétuelle évolution.
Le shopping comme pratique sociale valorisante
Faire des achats est une pratique sociale normalisante, particulièrement importante dans un contexte où la personne âgée peut se sentir marginalisée.
En se rendant dans un espace commercial, le résident redevient un consommateur parmi d'autres, retrouvant temporairement un statut social ordinaire qui transcende son identité de ''personne âgée dépendante''.
Cette normalisation de l'expérience sociale contribue puissamment au sentiment d'inclusion et de citoyenneté à part entière.
Les interactions sociales générées lors de ces sorties enrichissent également l'expérience.
Échanger avec un vendeur, demander un conseil, effectuer un paiement : ces interactions quotidiennes, qui peuvent sembler banales, deviennent précieuses lorsqu'elles se raréfient en institution.
Elles permettent de maintenir des compétences sociales et communicationnelles essentielles et offrent une diversification bienvenue des contacts humains au-delà du cercle des résidents et du personnel soignant.
Pour de nombreux résidents, particulièrement ceux ayant connu une vie active intense, ces moments de consommation réactivent des souvenirs de liberté et d'indépendance.
Ils renouent avec des gestes familiers qui ont jalonné leur vie d'adulte autonome : remplir un panier, comparer des prix, sortir son portefeuille.
Cette continuité gestuelle et cette réactivation de compétences anciennes renforcent le sentiment de préserver son identité profonde malgré les bouleversements liés au vieillissement et à l'institutionnalisation.
Organiser des sorties dans des lieux adaptés et accessibles
Sélectionner les destinations commerciales adaptées
Tous les espaces commerciaux ne se prêtent pas également à l'accueil de groupes de personnes âgées.
La sélection des destinations requiert une évaluation préalable attentive de plusieurs critères d'accessibilité.
Privilégiez les centres commerciaux ou boutiques disposant d'aménagements adaptés : places de stationnement réservées à proximité des entrées, absence de marches ou présence de rampes d'accès, ascenseurs spacieux, toilettes accessibles et en nombre suffisant.
La largeur des allées est également un critère déterminant pour permettre la circulation aisée des fauteuils roulants et déambulateurs.
Au-delà de ces aspects techniques, l'ambiance générale du lieu mérite attention.
Les espaces trop vastes, bruyants ou surpeuplés peuvent générer stress et fatigue chez vos résidents.
Privilégiez les centres commerciaux à taille humaine ou les rues commerçantes calmes des centres-villes.
Certaines enseignes proposent désormais des horaires spécifiques pour les personnes âgées ou fragiles, avec une affluence réduite et parfois un accompagnement renforcé.
Ces créneaux dédiés offrent des conditions optimales pour une expérience sereine.
La diversité commerciale est un autre critère de choix important.
Un lieu regroupant différents types de commerces (habillement, alimentation, librairie, parfumerie...) permettra de répondre aux centres d'intérêt variés de vos résidents lors d'une même sortie.
Cette diversité maximise les occasions de choix et de découverte tout en optimisant l'organisation logistique de votre sortie.
N'hésitez pas à établir des partenariats avec certaines enseignes pour bénéficier d'un accueil privilégié lors de vos visites régulières.
Planifier la sortie en tenant compte des contraintes spécifiques
La réussite d'une sortie shopping repose sur une planification minutieuse intégrant les contraintes particulières de vos résidents.
Le choix du jour et de l'horaire revêt une importance capitale.
Évitez les périodes d'affluence maximale (samedis après-midi, veilles de fêtes) et privilégiez les moments plus calmes en semaine.
Les matinées offrent généralement de meilleures conditions : résidents plus reposés, magasins moins fréquentés, personnel commercial plus disponible.
La durée de la sortie doit également être soigneusement calibrée pour éviter l'épuisement, généralement entre 1h30 et 2h30 selon les capacités du groupe.
L'organisation des transports requiert une attention particulière.
Assurez-vous que vos véhicules permettent un embarquement et un débarquement confortables et sécurisés.
Prévoyez un stationnement à proximité immédiate des entrées et, si nécessaire, des fauteuils roulants supplémentaires pour les résidents qui pourraient se fatiguer pendant la sortie.
La présence de bancs ou d'espaces de repos sur le parcours est également un élément à vérifier en amont pour permettre des pauses régulières.
La gestion des aspects financiers nécessite une organisation spécifique.
Certains résidents gèrent encore leurs finances de manière autonome, d'autres bénéficient d'une mesure de protection juridique limitant leur capacité de dépense.
Établissez clairement, avant la sortie et en lien avec les familles ou tuteurs, le cadre budgétaire de chaque participant.
Des solutions pratiques peuvent être mises en place : enveloppes individuelles préparées, carnets où noter les dépenses, accompagnateur dédié à l'aide aux paiements.
Ces dispositions permettent d'éviter malentendus ou frustrations lors des achats.
Adapter l'accompagnement aux besoins individuels
Les besoins d'accompagnement varient considérablement d'un résident à l'autre lors de ces sorties shopping.
Certains conservent une grande autonomie et souhaitent simplement bénéficier d'une présence rassurante à distance.
D'autres nécessitent un soutien plus rapproché pour la marche, l'orientation ou la prise de décision.
Cette hétérogénéité impose un ratio d'encadrement adapté, idéalement un accompagnateur pour deux ou trois résidents, permettant une réelle individualisation du soutien.
La dimension psychologique de l'accompagnement revêt une importance particulière dans ce contexte.
Certains résidents peuvent se sentir intimidés à l'idée de retrouver un environnement commercial après une longue période d'absence.
D'autres peuvent craindre de ne plus maîtriser les codes ou les modalités de paiement actuelles.
Un accompagnement empathique et patient, qui sécurise sans infantiliser, rassure sans surprotéger, permettra de dépasser ces appréhensions initiales pour accéder au plaisir de l'expérience.
L'équilibre entre assistance et respect de l'autonomie est le défi central de cet accompagnement.
Intervenez uniquement lorsque nécessaire, en veillant à toujours privilégier l'expression des choix personnels du résident.
Une aide discrète pour atteindre un article en hauteur, un conseil sollicité sur la taille d'un vêtement, un soutien pour la lecture des étiquettes sont des assistances légitimes qui ne compromettent pas l'autonomie décisionnelle.
L'art de l'accompagnement réside précisément dans cette capacité à soutenir sans substituer, à guider sans diriger.
Favoriser la liberté de choix, même pour de petits achats
Respecter les goûts et préférences individuelles
L'histoire personnelle, la classe sociale d'origine, l'identité professionnelle antérieure façonnent profondément les goûts et préférences de consommation.
Ces marqueurs identitaires, loin de s'effacer avec l'âge, peuvent au contraire se renforcer, constituant des points d'ancrage essentiels dans la préservation de l'identité.
Lors des sorties shopping, accordez une attention particulière à ces préférences individuelles, même lorsqu'elles vous semblent décalées ou peu pratiques.
Tel résident insistant pour une marque précise de café, telle résidente ne voulant que des chemisiers à col claudine : ces choix spécifiques expriment bien plus que de simples préférences matérielles - ils affirment une continuité identitaire essentielle.
Les configurations familiales peuvent parfois compliquer cette expression des choix personnels.
Il n'est pas rare que des proches, avec les meilleures intentions, tendent à décider à la place de la personne âgée, estimant ''savoir ce qui est bon pour elle''.
Votre rôle d'accompagnateur peut alors inclure une médiation délicate pour redonner la primauté à la parole du résident tout en rassurant la famille.
Expliciter l'importance psychologique de ces choix personnels, même modestes, aide généralement les proches à adopter une posture plus respectueuse de l'autonomie décisionnelle.
La question du ''raisonnable'' mérite également réflexion.
Certains choix peuvent sembler inadaptés d'un point de vue strictement pratique : vêtement difficile à enfiler, produit plus onéreux pour un bénéfice objectif limité, objet apparemment superflu.
Résistez à la tentation de réorienter systématiquement ces choix vers des options plus ''raisonnables''.
Le plaisir de l'acquisition, la satisfaction du désir, la joie d'un petit luxe sont des bénéfices psychologiques qui transcendent souvent les considérations purement pragmatiques, particulièrement à un âge où les plaisirs peuvent se raréfier.
Accompagner sans influencer les décisions
L'accompagnement lors des achats exige une posture professionnelle consciente des risques d'influence, même involontaire.
Nos propres goûts, notre vision de ce qui conviendrait au résident, nos préoccupations budgétaires peuvent facilement orienter nos suggestions ou même notre langage non-verbal (moues dubitatives, enthousiasme marqué pour certaines options).
Une vigilance constante s'impose pour maintenir une neutralité bienveillante qui privilégie toujours l'expression authentique des préférences du résident.
Pour favoriser l'autonomie décisionnelle, certaines techniques d'accompagnement s'avèrent particulièrement efficaces.
Présentez les options disponibles de manière neutre, offrez des choix binaires clairs plutôt que des questions ouvertes potentiellement déroutantes, accordez le temps nécessaire à la réflexion sans précipiter la décision, reformulez le choix final pour confirmation avant l'achat.
Ces pratiques soutiennent le processus décisionnel sans l'orienter et respectent le rythme propre à chaque résident.
La question du budget requiert une approche particulièrement délicate.
Certains résidents peuvent avoir perdu les repères concernant la valeur actuelle des produits, d'autres peuvent s'inquiéter excessivement de dépenser ou, au contraire, ne plus mesurer leurs possibilités financières réelles.
Votre rôle consiste à fournir les informations objectives nécessaires à une décision éclairée, sans jugement ni alarme excessive.
Présenter différentes gammes de prix, expliquer simplement les différences qualitatives, rappeler discrètement le budget convenu : ces interventions informatives préservent la liberté de choix tout en l'inscrivant dans un cadre réaliste.
Valoriser l'acte d'achat comme expression de soi
L'acte d'achat est une expression tangible de nos goûts, de notre histoire, de notre façon d'habiter le monde.
En institution, où les occasions d'exprimer sa singularité peuvent se raréfier, cette dimension expressive prend une importance accrue.
Reconnaître et valoriser cette signification profonde des choix de consommation contribue à préserver la dignité et l'identité de vos résidents bien au-delà du moment de l'achat lui-même.
Le récit qui accompagne souvent ces choix mérite une attention particulière.
''Je prenais toujours ce parfum quand je partais en voyage'', ''Ma mère tricotait avec cette laine'', ''J'offrais ces chocolats à mes collègues pour les fêtes'' : ces narrations qui émergent naturellement lors des achats sont un matériau autobiographique précieux.
Accueillez ces récits avec intérêt, relancez par des questions ouvertes, établissez des liens avec d'autres éléments connus de l'histoire du résident.
Cette écoute attentive transforme le simple achat en moment de reconnaissance et de valorisation identitaire.
La fierté de montrer ses acquisitions est souvent un prolongement significatif de l'expérience d'achat.
De retour à l'établissement, ménagez un temps où chacun peut, s'il le souhaite, présenter ses achats aux autres résidents ou au personnel.
Ces moments de partage, loin d'être anecdotiques, permettent une réappropriation narrative de l'expérience et une validation sociale des choix effectués.
Ils s'inscrivent dans un processus plus large de maintien de l'estime de soi et de l'affirmation de sa capacité à exercer son libre arbitre malgré les contraintes de l'âge et de l'institution.
Stimuler la vie sociale à travers les sorties commerciales
Créer des occasions d'échanges et de rencontres
Les espaces commerciaux sont par nature des lieux de socialisation et de rencontre.
Pour vos résidents, se retrouver dans ces environnements animés offre une stimulation sociale bienvenue après le cadre parfois plus feutré de l'établissement.
Observer les passants, croiser différentes générations, percevoir l'animation urbaine : cette immersion dans le flux social ordinaire est en soi une expérience revigorante qui rompt avec le sentiment d'isolement pouvant parfois prévaloir en institution.
Les interactions avec les commerçants méritent une attention particulière.
Un échange avec un vendeur attentif, un conseil personnalisé, une conversation improvisée à la caisse : ces moments relationnels, aussi brefs soient-ils, nourrissent le sentiment d'existence sociale de vos résidents.
Privilégiez les commerces où le personnel se montre naturellement bienveillant et patient.
Certaines enseignes sensibilisent désormais leurs équipes à l'accueil des personnes âgées - n'hésitez pas à établir des partenariats avec ces commerces particulièrement accueillants.
Les rencontres fortuites sont un autre aspect précieux de ces sorties.
Croiser d'anciens voisins, retrouver par hasard une connaissance, échanger quelques mots avec d'autres clients : ces interactions spontanées, impossibles à programmer, sont des moments de reconnexion sociale particulièrement significatifs.
Elles rappellent au résident son appartenance à une communauté plus large que celle de l'EHPAD et nourrissent son identité sociale au-delà de son statut de personne âgée institutionnalisée.
Favoriser la dynamique de groupe tout en respectant l'individualité
Les sorties shopping, bien que visant à favoriser les choix individuels, s'organisent généralement en groupe.
Cette dimension collective peut être activement exploitée pour renforcer les liens entre résidents.
L'expérience partagée, les petites aventures communes, les découvertes simultanées créent un vécu commun qui nourrit ensuite les relations au sein de l'établissement.
Des résidents qui se côtoyaient sans véritablement se connaître découvrent parfois des affinités insoupçonnées à travers leurs préférences de consommation ou leurs réactions face aux produits découverts.
L'équilibre entre dynamique collective et respect des rythmes individuels est cependant un défi permanent lors de ces sorties.
Certains résidents souhaitent prendre leur temps, explorer méticuleusement les rayons, hésiter longuement avant un achat.
D'autres, plus fatigables ou moins intéressés par le shopping lui-même, préféreront un parcours plus ciblé et rapide.
La constitution de petits sous-groupes selon les centres d'intérêt et les capacités, avec des points de rendez-vous réguliers, permet généralement de concilier ces différentes approches.
L'entraide naturelle qui émerge souvent lors de ces sorties mérite d'être valorisée sans être instrumentalisée.
Tel résident aide spontanément tel autre à porter ses achats, celle-ci conseille sa voisine sur le choix d'une écharpe, celui-là partage ses connaissances sur les différentes variétés de thé...
Ces comportements solidaires, lorsqu'ils émergent naturellement, renforcent le sentiment d'appartenance au groupe et valorisent les compétences spécifiques de chacun.
Votre rôle consiste à créer les conditions propices à cette entraide sans la forcer ni l'orchestrer artificiellement.
Prolonger l'expérience sociale au retour à l'établissement
L'expérience sociale générée par la sortie shopping ne s'arrête pas au retour à l'établissement - elle se prolonge et s'enrichit à travers différentes formes de partage et d'échange.
Prévoyez un temps convivial juste après la sortie, autour d'une collation, où chacun peut, s'il le souhaite, montrer ses acquisitions et raconter ses découvertes.
Ces moments de partage immédiat, lorsque les impressions restent vives, génèrent souvent des conversations animées qui contrastent heureusement avec la routine quotidienne.
Les objets acquis lors de ces sorties deviennent ensuite des supports relationnels durables au sein de l'établissement.
Un nouveau vêtement suscite des compliments, un produit gourmand peut être partagé lors d'un goûter, un magazine acheté circule entre plusieurs lecteurs.
Ces objets, au-delà de leur fonction première, tissent un réseau d'interactions sociales qui enrichit le quotidien et crée de nouvelles occasions d'échange entre résidents ou avec le personnel.
La documentation visuelle de ces sorties - photographies prises avec l'accord des participants, petits reportages pour le journal de l'établissement - prolonge également leur impact social.
Affichées dans les espaces communs ou partagées avec les familles, ces images témoignent de la vie qui continue au-delà des murs de l'institution.
Elles valorisent les résidents dans une posture active et sociale, loin des représentations souvent réductrices de la vieillesse institutionnalisée, et peuvent susciter l'intérêt d'autres résidents pour participer aux prochaines sorties.
Témoignages : le bonheur simple de choisir ses affaires
Retrouver dignité et confiance à travers les achats personnels
''Avant, c'était toujours ma fille qui m'achetait mes vêtements.
Avec gentillesse, bien sûr.
Mais ce n'était jamais vraiment ce que j'aurais choisi.
Trop classique, trop 'pour personne âgée'.
La première fois que l'animatrice m'a emmenée au centre commercial, j'ai osé prendre un chemisier avec des fleurs colorées.
Ma fille a été surprise, mais elle a reconnu que ça m'allait bien.
Maintenant, je choisis moi-même mes vêtements, et je me sens plus...
moi-même, vous comprenez?'' - Odette, 86 ans
Ce témoignage d'Odette illustre parfaitement l'impact de ces sorties shopping sur la reconquête d'une autonomie décisionnelle souvent érodée avec l'âge.
Pour de nombreux résidents, pouvoir à nouveau choisir soi-même ses vêtements, ses produits de toilette ou ses petites gourmandises est une réappropriation fondamentale de leur identité.
Les équipes témoignent régulièrement de la transformation visible qui s'opère chez certains résidents : posture plus assurée, attention accrue à leur apparence, expression plus affirmée de leurs préférences au quotidien.
Cette revalorisation de l'image de soi peut avoir des répercussions bien au-delà du simple aspect vestimentaire ou matériel.
Des psychologues en EHPAD observent fréquemment un regain de confiance global suite à ces expériences positives d'autonomie.
La capacité à faire des choix pour soi-même, validée par l'expérience concrète du shopping, se transfère progressivement à d'autres domaines de la vie en institution : participation plus active aux décisions de soins, expression plus claire des préférences alimentaires, affirmation plus sereine des souhaits concernant les activités ou les visites.
''J'étais commerçante toute ma vie, vous savez.
Quand je me suis retrouvée ici, ce qui me manquait le plus, c'était d'aller dans les magasins, de toucher les produits, de discuter avec les vendeurs.
La première fois que nous sommes retournés au marché avec l'EHPAD, j'ai retrouvé des sensations oubliées.
L'odeur des fruits frais, les couleurs, le bruit...
J'ai même reconnu un ancien client! Ce jour-là, je n'étais plus seulement une vieille dame en maison de retraite.
J'étais redevenue Madeleine, celle qui connaît les bons produits.'' - Madeleine, 91 ans
L'importance des petits plaisirs d'achat
''Ce n'est pas grand-chose, mais pouvoir m'acheter mon chocolat préféré quand j'en ai envie, ça fait toute la différence.
Avant, il fallait toujours demander, attendre la visite de quelqu'un...
Maintenant, avec nos sorties mensuelles au supermarché, je peux me faire ce petit plaisir moi-même.
Hier, j'ai même découvert une nouvelle variété que je ne connaissais pas.
À mon âge, découvrir encore quelque chose, c'est précieux!'' - Maurice, 88 ans
Le témoignage de Maurice met en lumière l'importance cruciale des ''micro-plaisirs'' dans le maintien de la qualité de vie en institution.
Ces petites satisfactions, ces petites libertés que sont les achats personnels contrebalancent efficacement les multiples contraintes inhérentes à la vie collective en EHPAD.
Pour certains résidents, pouvoir disposer de ''leurs'' produits, ceux qu'ils ont eux-mêmes choisis et achetés, est un îlot d'individualité précieusement préservé au sein du fonctionnement institutionnel.
Ces achats, souvent modestes en valeur monétaire, prennent une dimension symbolique bien plus importante qu'il n'y paraît.
Ils sont la capacité maintenue à se faire plaisir, à s'offrir quelque chose, à exercer sa liberté de consommateur.
Les équipes d'animation remarquent souvent le soin particulier avec lequel certains résidents conservent et utilisent ces produits personnellement choisis : tel pot de confiture spéciale parcimonieusement dégusté, tel savon précieusement gardé, tel magazine relu plusieurs fois.
Cette attention spécifique témoigne de la valeur ajoutée que confère le choix personnel à des objets du quotidien.
''Ce que j'aime dans nos sorties au centre commercial, c'est qu'on peut flâner, regarder les nouveautés.
La semaine dernière, j'ai trouvé un stylo qui écrit particulièrement bien malgré mes doigts arthritiques.
Un petit achat, mais qui me facilite tellement l'écriture de mes lettres à mes petits-enfants! Personne d'autre que moi n'aurait pensé à me procurer ça.
Il faut essayer soi-même pour trouver exactement ce qui nous convient.'' - Jean, 84 ans
L'impact sur les relations familiales
Les sorties shopping modifient souvent subtilement mais profondément la dynamique relationnelle entre les résidents et leurs proches.
Des familles témoignent régulièrement de leur surprise, parfois de leur émotion, en découvrant cette autonomie préservée ou retrouvée.
Un fils habitué à ''tout gérer'' pour son père constate avec étonnement que celui-ci est parfaitement capable de choisir ses vêtements; une fille qui apportait systématiquement les mêmes biscuits découvre que sa mère préfère en réalité une autre marque qu'elle a pu choisir lors d'une sortie.
Ces découvertes, loin d'être anecdotiques, peuvent amorcer une transformation significative de la relation familiale.
La personne âgée, redécouverte dans sa capacité de choix et d'affirmation de ses préférences, peut regagner une position plus équilibrée face à des proches parfois devenus surprotecteurs.
Cette rééquilibration relationnelle, favorisée par l'expérience concrète des sorties shopping, contribue à une relation plus authentique et respectueuse de l'individualité de chacun.
Les objets acquis lors de ces sorties deviennent également des supports d'échange renouvelés avec les familles.
Tel résident fier de montrer à sa fille le chapeau qu'il a lui-même choisi, telle autre heureuse d'offrir à ses petits-enfants des friandises qu'elle a elle-même achetées pour leur visite.
Ces situations, en apparence ordinaires, revêtent une signification profonde : elles réaffirment la capacité du résident à rester acteur de la relation, à donner et pas seulement à recevoir, à surprendre encore ses proches par ses goûts et ses choix personnels.